La Confrérie de la Chimère

[Chiméra Klesh]

Une étrange candidature ...

Des nimbes embrumées, situées en aucun endroit que le plus doué des cartographes ne pourrait situer. Brumes sombres et ocres, parfois nimbées de carmins, opaques et lumineuses à la fois. Étrangement, leurs circonvolutions paresseuses sont troublées par la pointe acérée d’un navire qui les sépare en deux, traversant les brumes indolentes de ces sphères oniriques alimentées par les songes des mortels. C’est un navire élancé, dont la seule forme laisse deviner qu’il doit flotter sur les vents et non sur les flots. Les voiles sont cristallines, semblant plus fragiles que le cristal, battant lentement au rythme d’un vent qui ne parvient pas à les fendre malgré leur fragilité évidente. Le pont est désert et silencieux, en dehors des nombreuses chaînes qui courent le long de la coque en d’harmonieuses courbes, alourdies ça et là par les cages d’acier ne renfermant rien d’autre qu’une douce aura qui drape tendrement les barreaux métalliques. C’est le « Morpheus », le navire onirique qui amène son unique passagère d’un royaume sur les récifs à un autre.

Seule dans sa cabine, Chiméra réfléchissait. En cette heure avancée, elle aurait du dormir, se consacrer aux arts oniriques et plonger dans les rêves des puissants de ce monde pour deviner leurs desseins secrets et apaiser leurs angoisses. Mais la dryade maudite ne dormait pas : trop d’évènement récents hantaient sa mémoire et sa conscience. Elle n’avait été qu’un jouet entre les mains de son ennemi, Mâalgarth. Celui-ci l’avait dupée et l’avait amenée à répandre la mort et la terreur sur son passage. Il avait manipulée l’oniromancienne afin qu’elle devienne son agent à son insu. Un pion docile, naïf. Sacrifiable … Elle s’en était aperçue trop tard : même si les plans de Mâalgarth avaient été contrecarrés, celui-ci était à nouveau libre et chercherait un nouveau moyen d’amener à lui ses congénères pour faire régner la terreur et le chaos.

« Mais comment ai-je pu être aussi stupide ? Comment ai-je fais pour me laisser ainsi menée par le bout du nez ??? » cria-t-elle avec rage et frustration.

Seul lui répondit le silence du navire. Une réponse en soit ! Le craquement des planches, accusateur, lui murmurait distinctement : « Tu as été une proie facile car tu étais isolée, Chiméra. Tu n’as laissé personne s’approcher de toi, personne n’a ainsi été susceptible de te dire que tu faisais fausse route. »

En Daifen comme ailleurs, il est d’usage que l’union fasse la force. Familles, Ordres, Clans, Organisations … Autant de rassemblements voués à apporter la force, en dépit des prétextes futiles dont le plus souvent ils se drapaient pour paraître au monde meilleurs qu’ils ne l’étaient réellement. Des groupements qu’elle avait soigneusement évité jusqu’à maintenant : ces groupes étaient les terres fertiles que moissonnaient son ancien suzerain, Færandel le barde, d’une manière qu’elle trouvait le plus souvent méprisable et inexcusable. Elle s’était jurée de ne pas lui ressembler et avait systématiquement fuit les ordres. Mais si elle-même avait été affiliée à un ordre, aurait-elle commis ces exactions sur Nutelladhil ? Le remède ne s’était-il pas avéré pire que le mal qu’elle cherchait à éviter ? Et à quoi bon fustiger ainsi les erreurs de son ancien maître, elle avait désormais les siennes propres à assumer pleinement.

Dans un soupire, elle s’allongea sur sa couche. Elle ferma les yeux et traça mentalement les premières des runes oniromantiques : tourner ainsi en rond dans sa cabine ne suffisait pas, il lui fallait désormais s’ouvrir au monde et écouter ce qu’il avait à lui dire. Fille de la magie et des enchantements, elle avait désormais à écouter le chant de sa mère.

Les Ordres ? Pourquoi pas. Mais uniquement si elle pouvait conserver ses idéaux. Elle parcouru rapidement quelques songes, à la recherche de brumes de rêves susceptibles de l’éclairer sur les Ordres existants. Sa curiosité fit très vite place au dépit : les Ordres étaient hélas exactement la caricature qu’elle s’étaient imaginées. Des mines de la Morria dont le tribunal ne faisait pas le moindre procès pour se contenter de conquérir des terres comme le ferait n’importe quel fou de guerre, des insipides Bollos prônant la non violence tout en allant guerroyer sur els continents, du Clan qui se groupaient autour de leur seul groupe en excluant prima facies tout ce qui leur était extérieur, jusqu’aux Hordeux qui allaient allégrement répandre le Chaos partout où ils mettaient les pieds … Triste tableau en vérité … Chiméra se refusait à travailler avec ceux-ci. Ils ne lui inspiraient que pitié ou mépris. Elle ne pourrait travailler qu’avec quelqu’un qu’elle respecterait. Quelqu’un de sage, d’ancien, qui prone la réflexion quand le temps est à l’analyse et l’action quand est venu le temps de frapper. Quelqu’un d’efficace et d’honnête, qui saurait réfréner ses ardeurs quand la nuit l’oniromancienne devenait harpie. S’apprêtant à quitter sa transe oniromantique, elle soupira : une telle personne n’existait certainement pas, elle ne le trouverait que dans ses propres rêves.

C’est alors qu’elle perçu l’éclat. Oh non, certes pas un rêve. Un espoir, ténu et fugace, mais profondément ancré. Remerciant mentalement Dame Magie d’avoir apporté à sa fille l’indice qu’elle recherchait, elle suivit le mince fil onirique qu’elle venait de sentir. Remontant son cours, elle perçu ainsi des valeurs et de la détermination. Des idées claire et concises, des espoirs anciens mais qui semblaient jaillir d’un cocon de renouveau. Elle perçu l’espoir, le reflet d’un projet. Et quand elle parvint finalement qu rêveur, elle su qu’elle avait trouvé ce qu’elle cherchait et que le seigneur dont elle rêvait existait bel et bien.

« Je dois le faire bonne impression, surtout … »

Elle chassa se son esprit son agressivité, son impatience, et se concentra sur sa créativité et son goût du Mystère. D’une pensée rapide, elle prit sa forme de dryade et choisit une tenue de cuir noir, élégante sans être provocantes. Une paire de boucle d’oreilles serties d’émeraudes, assorties à un collier en forme de regard. S’estimant prête, elle traça les runes d’insertion et se fondit dans le rêve de son interlocuteur. Sans difficulté, elle prit en main la trame et le contexte. Elle prit grand soin de ne rien altérer pour ne pas lui faire ressentir une impression d’intrusion. Elle se contenta d’arriver en franchissant une porte déjà présente dans le tissu onirique imaginé par l’orc.

« Seigneur Mick le Terrible ?
Pardonnez mon intrusion dans vos songes et permettez moi de me présenter à vous. Je suis Chiméra Klesh, oniromancienne du Royaume sur les Récifs, dryade et harpie. Je reviens des terres de Nutelladhil, où j’ai découvert qu’il était pour moi préférable de défendre une cause plus grande que moi plutôt que de me cantonner à mes intérêts personnels.
Je crois avoir deviné que vous songez» * dit-elle avec un mince sourire * à reconstituer l’Ordre de la Chimère. Je tenais à vous dire que, si vos aspirations sont bien celles que j’ai fugacement aperçues, je serais ravi de vous proposer mes services pour accomplir cette noble tache … »»
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Chiméra Klesh
Oniromancienne du Royaume sur les Récifs
Membre du Corps du Lion